Au quotidien, dans une petite commune comme la nôtre, on a la chance d’avoir un secrétariat de mairie ouvert six jours sur sept: le lundi après-midi, le mardi toute la journée, le mercredi toute la journée, toute la journée le jeudi, le vendredi, et le samedi. Moi je passe presque tous les jours. Le courrier arrive vers 10 heures. Le secrétaire de mairie l’ouvre. Je passe, on regarde ensemble. On règle les problèmes à réponse immédiate. Tous les jours tu as quelque chose: une demande de relevé d’état civil, un notaire qui cherche une information pour une vente, la préfecture qui réclame qu’on lui envoie un papier, une liste. C’est le maire qui signe. Il n’est pas obligé, mais enfin, il faut se tenir au courant de ce qui a été demandé… Tous les jours il y a quelque chose: signer pour une carte d’identité, signer un papier comme quoi quelqu’un habite bien sûr la commune, quelqu’un qui a besoin d’un papier pour son travail… Tu découvres des gens que tu n’aurais peut-être pas vus autrement. On ne peut pas connaître tout le monde. Il y a beaucoup de gens, surtout des jeunes, qui arrivent avec des CDD (contrat à durée déterminée). Ils ont trouvé à se loger chez des amis, dans la famille… Si leur CDD n’est pas reconduit, ils partent. Il y a une part des gens qui tourne. Si les gens construisent quelque chose, c’est différent. Ou s’ils se sont installés, ont racheté, rénové. Ça c’est clair. Mais les autres, ça dépend du contrat qu’ils ont. On a recours au facteur, ça fait trente ans qu’il est là, rien ne lui échappe. Si on lui met une adresse sur l’enveloppe et qu’il ne connaît pas, il va demander aux gens d’à côté… il finit toujours par avoir l’information. Quand il partira, ça posera des problèmes. On n’a pas de Poste dans la commune. Il faut aller à 7 kilomètres… Les relations avec les gens, c’est toujours intéressant. Quelquefois il y a des emmerdeurs… il y a des gens qui ne sont pas bien avec leurs voisins, il y a des histoires de passage… Avant les gens allaient trouver le maire chez lui. Moi depuis que je suis élu, ce n’est arrivé que deux ou trois fois qu’on vienne chez moi. Peut-être parce que les gens savent que c’est facile de me trouver à la mairie. Ils savent que mon bureau est assez discret, qu’on peut y parler comme on veut. Petit à petit, les gens savent quand tu es là. Puis il y a ceux qui disent, est-ce que je peux venir à telle heure? C’est vrai qu’il y a un devoir de réserve. Il y a des gens qui me disent «moi j’ai porté plainte; je viens te le dire, parce que je veux t’avertir.» J’essaie d’aller trouver la personne. Le résultat est parfois aussi efficace que la plainte à la gendarmerie. On se voit. Quelquefois on boit un coup, ça peut aider. Maire, c’est souvent une affaire d’autorité morale. Madame la maire, monsieur le maire, sont là s’il y a une cérémonie, un repas – c’est important la relation sociale…
Les partenaires. Le curé – il y a encore un curé qui habite sur la commune: la commune a transformé le presbytère en logements et l’Église a demandé qu’on garde un appartement pour un curé éventuel. Ils sont trois sur l’ensemble du canton. On a la chance d’en avoir un. Mais il n’a pas l’impact que pouvait avoir autrefois un curé entièrement affecté à la commune. L’instituteur – Mon interlocutrice c’est la présidente de l’OGEC, l’organisme qui gère l’École privée. Il ne reste qu’une école privée dans la commune. Je l’appelle, elle m’appelle. Les bâtiments sont à la charge de la commune. Mais pas les enseignants. La commune doit mettre à disposition les possibilités d’existence de l’École mais elle n’intervient pas au niveau de l’enseignement. On a une convention. On donne tant par élève et par an. Après ils se débrouillent. De la même façon, on n’a pas de problème de cantine, puisqu’on n’a pas de bâtiment communal. Ils ont demandé une aide parce qu’ils n’arrivent plus à s’en sortir. Il vaut mieux débourser un euro par élève et par repas que d’avoir tout le train-train qui va avec la cantine. On gère tout ça avec l’OGEC. Si certains ont des difficultés à payer la scolarité, on intervient. On a eu un petit problème une fois avec la cybercommune. L’ordinateur est dans une pièce, à la mairie. Des gamins sont venus avec leur dossier. Un gamin qui avait douze, treize ans, un qui en avait dix, l’autre huit. Ils sont montés là-haut. Ils sont restés jusqu’à midi. Ils sont revenus l’après-midi. Ils sont repartis à cinq heures et demie. Et là, le secrétaire s’est aperçu qu’ils étaient allés sur des sites interdits. On les a convoqués avec leurs parents: personne n’est venu. Alors on a fait une information avec l’OGEC et les enseignants. Dans tous les cartables, on a mis un courrier disant que les enfants pouvaient consulter Internet mais en présence d’un adulte. On a réglé le problème comme ça. La présidente de l’OGEC est une personne ouverte – elle a une certaine formation, elle était assistante sociale. On a fait le courrier ensemble, les enseignants étaient d’accord. On n’a cité personne, mais on a fait en sorte que les parents soient alertés. C’est pour ça, il faut avoir une bonne relation avec ces organismes-là. Dans une commune… Et puis la présidente de l’OGEC peut avoir des informations qui ne remontent pas jusqu’à nous. C’est important aussi. Il y a les présidents d’associations: 8 ou 9 associations: cyclisme, foot, basket, marcheurs, gymnastique chinoise… On prête des locaux. Aux associations qui s’occupent des jeunes, on donne des subventions. Toutes les associations ne demandent pas de subventions, il y en a qui n’ont besoin que d’un local. Pour la gymnastique chinoise, il y a des gens de l’extérieur qui viennent…
Un peu d’histoire! Je fais partie des plus anciens de la commune. Tant du côté de mon père que du côté de ma mère. Du côté de mon père, ils sont arrivés vers 1860 – comme régisseurs d’un château. Ensuite ils ont été agriculteurs de la ferme du château… Mon grand-père a été maire, mon père a fait deux mandats. À partir du moment où on voit qu’on peut apporter quelque chose, on y va.
Parler Et puis j’ai la chance, indirectement, de par le métier que j’ai exercé, de connaître toutes les administrations: on est tributaire des administrations avec lesquelles on travaille: la DDE, la DDA, le Trésor Public, les Service des Eaux. Il faut travailler avec eux. En connaissant un peu le fonctionnement du genre de personnes qui y travaillent, on finit par savoir comment présenter les choses quand quelqu’un a quelque chose à demander. Les administrations ce sont des gens. Des règles, un territoire. L’application des textes est fonction des règles mais aussi des relations entre personnes. Il faut connaître l’état d’esprit de la personne. Il y a des gens qui sont très stricts sur l’application de la loi et des gens qui n’en ont rien à cirer et qui laissent tout aller. Il faut agir en connaissance de cause, se déplacer pour aller voir les gens. Le même qui sur un courrier va montrer de la mauvaise humeur va changer complètement s’il a la personne en face de soi, si la relation est directe. J’ai une formation technique mais j’aime les relations avec les gens. On ne dit pas les choses en face de la même façon qu’on les dit dans un courrier. Et puis un courrier ou un mail ça laisse toujours des traces. Quand on se parle directement chacun peut revenir sur ce qu’il a dit, c’est plus souple. C’est plus difficile de revenir sur une décision écrite… Après l’échange verbal vient un écrit. Le maire est un intermédiaire. La mairie, dans nos petites communes est souvent le seul point où on peut avoir des informations. Les gens qui ne savent pas à qui s’adresser viennent à la mairie. Si un jour les mairies disparaissent dans les petites communes, si tout est pris en charge par la Communauté de communes, je pense qu’on perdra un service de proximité.
Les structures
Sur notre commune il y a un secrétaire, deux employés communaux, ça ne va pas chercher loin. Mais il y a certaines communes qui ont six personnes à la mairie et une dizaine d’employés communaux derrière. Après tu as la Communauté de communes qui se retrouve avec 10-12 personnes. La Communauté de communes demande des renseignements à la commune. Ensuite tu as le Pays, qui regroupe une dizaine de Communautés de communes et qui a aussi une structure administrative. Puis tu as le Département… Disons que pour moi il y a trop de monde. Mais ce n’est pas facile à régler. L’obligation d’une mairie, c’est une réunion mensuelle. La Communauté de communes fait à peu près cinq réunions par an. Cinq avec les Conseils communautaires et autant avec les réunions des bureaux par commissions. Chaque mairie doit présenter un élu à chaque commission de la Communauté de communes. Tout le monde est représenté. On essaie d’envoyer aux commissions les gens qui ont les compétences qui correspondent. À la Communauté de communes moi j’ai la compétence économique et la gestion des marchés publics, que je connais bien. Quand il y a des réunions, j’y vais. Je participe à des décisions qui concernent toutes les communes. On agit suivant ses compétences: un maire qui est enseignant sera plus compétent pour s’occuper de l’école… le maire ne peut pas avoir toutes les compétences, ce n’est pas possible. À l’échelle de la commune comme de la Communauté de communes, bien sûr il y a toujours des gens tordus. Et puis il y a des maires qui ont le complexe de supériorité, souvent dans les communes plus importantes, ils cherchent à imposer leurs choix à l’ensemble des communes. C’est comme dans la vie courante: il y a des gens avec qui on a des affinités, d’autres pas. Dans une Communauté de communes, toute décision doit être prise par un conseil communautaire. En fonction de son budget et de sa population chaque commune a un nombre de conseillers plus ou moins importants. Il y a des communes qui ont cinq représentants, d’autres quatre, d’autres trois… Pour contrebalancer une commune qui a cinq représentants, il faut trois ou quatre petites communes. Tout le monde, au niveau du bureau peut donner son avis. Au niveau du bureau on est dix, onze. C’est plus facile de discuter à dix, onze qu’à trente… À onze, on est tous plus ou moins compétents. C’est souvent là qu’il y a des accrochages aussi. Prenons un exemple: on a un axe routier qui peut attirer les gens. La Communauté de communes de P.a une activité assez importante. La Communauté de communes de L.a une activité importante. Celle de J., la nôtre, ces derniers temps a stagné. Alors on se dit, on va essayer de mettre de l’argent pour attirer les industriels, des commerçants, des artisans, préparer des terrains dans nos petites unités… Quelqu’un vient vous voir en disant: «Le pays me plaît. Entre Lorient et Rennes, c’est intéressant pour moi. Qu’est-ce que vous avez à me proposer?» Il ne faut pas traîner. Les gens quand ils viennent nous voir, ils ont une idée en tête qu’ils veulent concrétiser. La Communauté de communes a un responsable qui s’occupe de ça. Il faut quelque chose de concret. Les gens réfléchissent mieux. Si tu dis «Là on pourrait faire quelque chose mais…», ce n’est pas la même chose que si tu peux dire, «j’ai un terrain, ou un ensemble de terrains, à la sortie de la ville, près de la quatre voies…»
À échelle plus large Je participe à des forums, des réunions, à Paris et ailleurs. La Communauté de communes est représentée par une personne, c’est ça l’avantage des Communautés de communes: la mise en commun des moyens. Disons que quelqu’un qui représente 12 000 ou 15 000 personnes, avec une superficie de 10 000 ou 20 000 ha, peut faire poids. Et le budget d’une Communauté de communes est tout de même beaucoup plus important que celui d’une commune. Les Salons, c’est la mise en relation entre les moyens et les demandeurs. Il y a des gens qui viennent voir. Une société assez importante qui est établie dans un coin. Elle se dit, je vais aller chercher mes produits de sous-traitance… ça peut grossir, c’est souvent comme ça. Il y a une Gazette des maires. Une assemblée des maires au niveau du département, de la région, puis au niveau national. Tous les ans il y a un congrès. Je vais régulièrement à l’assemblée des maires du département. Mais à l’échelle nationale, je n’y suis jamais allé. C’est toujours en semaine, ça dure trois jours, à Paris. Il y a les grands dirigeants. En général c’est un sénateur, pas forcément d’une grande ville, qui est président des maires de France. Les sénateurs sont élus par les maires, les conseillers généraux, les grands électeurs. Ils sont les porte-parole des maires. Alors qu’un député, il est élu par tout le monde. Il n’a pas les mêmes relations avec la mairie. Même si les particuliers vont trouver le député. J’ai de très bonnes relations avec le député et avec le sénateur. Souvent dans les grosses communes, quand il y a un problème, souvent on va voir le député qui a souvent une structure de secrétariat plus importante que celle du sénateur. On a deux sénateurs dans notre canton: un sénateur de droite et un sénateur de gauche. Et le président du département est aussi sénateur. Lui il est centriste. Mais c’est plus une question de compétences que d’idées politiques. Ça reflète assez bien le département, qui a été un département de droite, tendance centriste modérée. Dans d’autres départements on est moins modéré.
Conseil municipal.
On est à la campagne. Donc, quand il y a un problème – d’accès pour une maison, de flotte, d’électricité… – en général, sauf incompatibilité d’humeur, en général, les gens vont trouver le conseiller municipal et disent «J’ai un problème. Est-ce que tu peux me régler ça ou est-ce qu’il faut que j’aille en parler au maire?» Le maire propose des choses. Mais il ne peut rien décider d’important sans l’aval du conseil municipal. À chaque réunion du conseil municipal tu as 10, 12, 13, 14 propositions à faire. Le maire agit après la décision du conseil municipal. Tu as des maires autoritaires, mais en général, les conseillers municipaux donnent leur avis. Et l’avantage est que, quand on a discuté en réunion du conseil, l’électeur lambda interroge ceux qui y ont assisté… Dans une municipalité si on veut s’occuper d’une chose en particulier, c’est bien d’être adjoint. On ne dit pas adjoint, on dit «maire adjoint». L’adjoint a la possibilité de signature. Il a une délégation de pouvoir. Par exemple, tu as un mandat à signer, il peut le faire. On fait des réunions régulières à trois ou quatre. Il y a intérêt à s’entendre avec les adjoints. Récemment j’ai eu un problème: un adjoint qui est passé à l’opposition. Je lui ai enlevé ses délégations. N’ayant plus de délégation, il n’a plus le droit de signer. Il reste adjoint parce qu’il a été élu, on ne peut pas lui enlever son poste. À partir du moment où la personne est élue, la seule solution est que la Préfecture, ou le Ministère de l’Intérieur déclare la dissolution du conseil municipal. On ne peut même pas faire démissionner un maire – la preuve, c’est qu’on n’a pas réussi à me faire démissionner: il faut dissoudre le conseil municipal. Donc le maire peut dire à l’adjoint: «tu restes, tu as été élu, mais tu n’auras plus aucune délégation.» La petite indemnité qui compense les frais de déplacement et tout ça du coup est sucrée – 300, 400 euros, avec les deux réunions par mois qu’on a, les déplacements, on fait facilement des kilomètres, et ça fait des frais… Nous, dans la commune, on est 840: moins de mille. L’indemnité du maire tourne autour de 1000 euros. Au-dessus de 1000 et en dessous de 2500, ça fait à peu près 1500 euros. Ce n’est pas énorme. Moi j’ai essayé dans ma liste d’avoir des gens de toutes les couches sociales. On a tendance à diminuer le nombre des cultivateurs parce qu’à un moment il n’y avait plus que des cultivateurs à la mairie. L’agroalimentaire… les milieux agricoles… ça peut être des ouvriers. J’ai l’entreprise agricole, une assistante sociale, un type qui avait une entreprise de typographie qu’il a vendue, maintenant il est moniteur de formateurs dans un centre de formation, une aide-soignante, des retraités qui étaient assistants médicaux à la médecine du travail, un inspecteur technique: de façon qu’on ait une large vue sur les problèmes qui peuvent se présenter.
La terre. La commune, ce sont quand même des agriculteurs. Qui n’ont qu’une seule vue des choses. Même s’ils se sont beaucoup ouverts. À part un, qui est vraiment un cas, les autres sont devenus très très stricts sur les produits phytosanitaires. Les agriculteurs sont certainement beaucoup plus stricts que les jardiniers du dimanche. Quand ils épandent du lisier, ils font très très attention aux autorisations qu’ils ont. La terre est capable d’absorber un certain nombre de choses. Si tu lui en mets le double la moitié va partir dans l’eau, polluer les ruisseaux. Mais si tu respectes bien en faisant attention… Si tu épands du lisier et que tu sais qu’on va avoir de la pluie le lendemain, ce n’est pas la peine. Il y en a qui font attention. Par bon sens, sans parler des autorisations. Et il y en a d’autres qui vont dire: «J’ai 15 ha, je peux épandre sur l’ensemble mais c’est trop loin, je vais en mettre le double sur les terrains les plus proches, ce sera pareil… Il y a toujours quelqu’un qui ne va pas respecter les règles et qui va polluer. Je sais de qui je parle. Ça ne l’empêchera pas de se représenter, d’ailleurs. Sur la commune il y a beaucoup de sources. On puisait de l’eau dans les puits, et maintenant il y a les normes européennes. On ne doit pas dépasser un certain taux de nitrates. Un voisin se bagarre avec un autre, qui a un élevage de porcs assez important. Puis ils s’arrangent et il lui permet d’exploiter des terrains dont il est propriétaire. Un peu plus tard il fait analyser sa flotte. Et il s’aperçoit que de 25mg de nitrates il est passé à 100: l’autre a fait n’importe quoi sur son terrain. Moi en tant que maire, je ne peux rien n’y faire: ce ne sont pas des eaux destinées à la consommation collective. Le premier dit, «c’est simple, je reprends mes terrains et je les plante.» L’autre n’est pas content, il vient à la mairie… Il y a des voyous partout. Il y a des chefs d’entreprise qui sont des voyous, il y a des agriculteurs qui sont des voyous – tout ça pour des questions d’argent. Je peux dire que sur ma commune, les éleveurs de porcs ont beaucoup d’argent. Même s’ils pleurent: régulièrement ils pleurent parce qu’ils ne gagnent pas assez d’argent… puis ça va repart. Et avec leur argent, ils dominent.
L’argent. Il y a des gens qui n’ont pas d’argent. Ça se voit moins à la campagne, mais il y en a. Même s’il y a l’aide sociale. Il y a des gens qui n’ont jamais été salariés. La chance qui reste ici c’est qu’ils ont en général leur petite maison d’habitation. Il n’y a pas grand confort mais il y a leur jardin. Le patrimoine qui leur permet de rester, quoi. À la mairie on découvre qu’il y a des gens qui demandent l’aide sociale parce qu’ils n’ont pas de retraite mais ils ont un million d’euros de placé… On a une vue de proximité sur les gens qui nous permet de dire ce qui nous surprend ou d’insister pour que quelqu’un qui ne fait pas la demande auprès du CCAS ait quand même un dossier, qu’on le fasse pour elle ou pour lui – pour que ça l’aide à vivre un petit peu mieux. Il y a des gens qui ont moins de 500 euros par mois – des gens qui ont été agriculteurs toute leur vie, mais qui n’ont jamais cotisé… et parfois quand ils reçoivent le minimum social, ils n’ont jamais eu autant d’argent. Ce n’est pas la ville – le petit appartement, les transports, le supermarché… C’est moins voyant mais quelquefois ça peut être aussi dramatique. Les gens de la campagne ne vont pas venir pleurer. Les choses commencent à évoluer. Mais les gens qui ont 70 ans maintenant ne sont pas du genre à se plaindre. Il faut s’occuper d’eux…
Les commerces. Il y a quand même, grâce aux associations, une vie de village. On essaie de maintenir l’état des commerces. On avait un boulanger, un restaurant, la presse, bon, bien sûr, c’était regroupé. Quelqu’un pouvait arriver à six heures du soir et acheter une baguette de pain et le journal. Et là, le boulanger est tombé malade… le bar à côté a fait dépôt de pain… On va essayer de régler le problème. On peut avoir des aides pour la création d’un magasin – à condition que ce soit un commerce multiservice. Si tu veux avoir une subvention pour un bistrot, on te dira, on peut vivre sans bistrot. On ne sait pas s’il va revenir ou pas le boulanger, mais on prépare un dossier: un dossier pour épicerie-boulangerie. Ce sont des éléments de base. Qui jouent dans la vie quotidienne. On peut avoir des subventions relativement importantes. La mairie peut racheter l’ancienne boulangerie, la réaménager, la relouer, puis la revendre à la personne qui veut s’installer. Le gars qui loue, il peut partir quand il veut. L’installer pour qu’il puisse avoir des plans, aller à la banque… racheter l’ensemble: c’est ça l’intérêt. Le problème c’est que les démarches sont relativement longues. Il faut que la mairie demande à la Chambre des métiers, envoie son dossier à la Communauté de communes, qui l’envoie au Département, qui l’envoie à la Région… c’est l’histoire du millefeuille. Tu as toutes ces étapes administratives à franchir. Tu ne peux commencer les travaux que quand tu as les accords de subvention. Quelquefois les gens ne comprennent pas que ça ne démarre pas. Quelquefois tu as un accord verbal mais tu n’as pas reçu l’accord écrit, il peut toujours y avoir un dysfonctionnement… Le premier secrétaire de mairie que j’avais quand je suis arrivé, qui est parti en retraite, ne connaissait pas trop tout ça. Maintenant avec Internet, on envoie, on reçoit, on relance. C’est pour ça qu’en passant tous les jours tu peux dire «au fait, est-ce que tu as pris un rendez-vous? Est-ce que tu as une réponse?… »
Compétences. Parfois je coupe: quand je pars en vacances. Tu demandes à tes adjoints de passer régulièrement. Et s’il y a un problème, on t’appelle. L’avantage d’une grosse ville c’est qu’ils ont en général un premier adjoint qui est aussi compétent que le maire. Et dans une très grosse ville, tu vas avoir un maire président de la Communauté de communes, ou sénateur. Il y a beaucoup plus d’activité, l’adjoint aux affaires économiques et juridiques est du métier. Il peut prendre les décisions. C’est un autre fonctionnement. C’est plus lourd parce que tu gères plus d’argent. Les décisions sont de plus grande importance. Mais tu as beaucoup de services techniques pour encadrer. L’ennui des petites communes c’est qu’on n’a pas de service technique. Dans une ville, ils ont des ingénieurs pour tel ou tel problème. Il n’y a plus que les affaires générales qui arrivent au maire. Dans les petites communes, tu n’as pas de structures. Mais ça a son charme.