Almanach

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1. Le vendredi 2 mai 2008 à 23:38, par Fantômette, la toute jardinière

Fantômette vous écrit:
Comme dans la chanson, c’est un jardin extraordinaire. Le jardin d’à côté qu’une longue muraille de pierres noires sépare du nôtre. Plus qu’un jardin c’est un parc, plus qu’un mur, une enceinte, un rempart, la frontière. Il n’y a pas chez nous d’échelle assez grande, même la plus haute qui sert une fois par an à grimper jusqu’au fait de la façade pour curer les gouttières, qui permettrait d’atteindre son sommet. Et quand bien même, son chaperon est si aigu qu’on ne pourrait pas s’y tenir debout ni même assis. Le peu qu’on peut apercevoir du jardin extraordinaire par les vasistas du grenier est le faîtage embrouillé d’une jungle énorme, une masse verte empêtrée, une étreinte de lianes, de lierres, de liserons belle-de-jour et d’autres plantes grimpantes, plus ou moins parasites, à l’assaut. Plusieurs espèces de conifères surnagent de cette dévoration, pins, épicéas et même, au plus haut, un cèdre bleu. Mais surtout comme un défi résistant à la gangrène de verdure, un immense tulipier de Virginie, qui semble comme une aristocrate de plantation de coton, une blanche égarée, secouant infiniment ses jupes et ses jupons pour se débarrasser des ronces noires qui s’y agrippent et finiront par l’étouffer.
On ne voit pas qu’il y ait eu en ce jardin, des parterres, des allées, un plan, une organisation. Ce parc à l’abandon fut pourtant celui d’un grand manoir. A la fin de la guerre, une bombe incendiaire qui, trois kilomètres au nord, visait un viaduc, s’est égarée par ici, ruinant l’édifice dans un ouragan de feu. Il ne reste plus, pointant de la broussaille, qu’un escalier de parade à double révolution, pyramide maya incongrue qui ne mène plus nulle part, orné cependant à son sommet, affublé plutôt, comme un peigne andalou piqué sur un écheveau de cheveux sales, bijou précieux sur une vieille décatie, d’un fragment tordu de balustrade, dentelle de fonte étrangement épargnée par la rouille. Une ruine résignée qui proclame sa qualité de ruine, tenant encore debout par on ne sait quel entêtement de la pierre, à moins que ce ne soit la carapace du lierre qui soit son corset orthopédique. L’escalier ruiné donne l’échelle de la maison disparue.
Comme vous le voyez, c’est un jardin plutôt sauvage. Le premier paradis. Le dernier jardin. Où Fantômette se promène en pensée, main dans la main, avec ses amis, vivants et morts.

2. Le samedi 3 mai 2008 à 07:49, par Saint-Loup (ut operaretur eum)

Un autre jardin (rue Plumet, celui-là), pour saluer Fantômette par-dessus le mur:

Il y a avait un banc de pierre dans un coin, une ou deux statues moisies, quelques treillages décloués par le temps pourrissant sur le mur ; du reste plus d'allées ni de gazon : du chiendent partout, le jardinage était parti et la nature était revenue. Les mauvaises herbes abondaient, aventure admirable pour un pauvre coin de terre. La fête des giroflées y était splendide. Rien dans ce jardin ne contrariait l'effort sacré des choses vers la vie. ; la croissance vénérable était là chez elle.Les arbres s'étaient baissés vers les ronces, les ronces étaient montées vers les arbres, la plante avait grimpé, la branche avait fléchi, ce qui rampe sur la terre avait été trouver ce qui s'épanouit dans l'air, ce qui flotte au vent s'était penché vers ce qui se traîne dans la mousse ; troncs ; rameaux, feuilles, fibres, touffes, vrilles, sarments, épines, s'étaient mêlés, traversés, mariés, confondus ; la végétation, dans un embrassement étroit et profond, avait célébré et accompli là, sous l'oeil satisfait du Créateur, en cet enclos de trois cents pieds carrés, le saint mystère de sa fraternité, symbole de la fraternité humaine. Ce jardin n'était plus un jardin. C'était une broussaille colossale : c'est-à-dire quelque chose qui est impénétrable comme une forêt, peuplé comme une ville, frissonnant comme un nid, sombre comme une cathédrale, odorant comme un bouquet, solitaire comme une tombe, vivant comme une foule.

3. Le samedi 3 mai 2008 à 09:13, par Pierre (jardinier)

de G. Lecoq, dans une nouvelle "le grand jour de Marguerite C." voici un autre jardin :

" (...) Le jardin a des allures de forêt vierge. Les haies de thuyas sont si épaisses qu’elles envahissent le chemin qui borde la petite pelouse. Des massifs de buis odorants entourent ce carré d’herbe. Tous les buis sont hirsutes pareils à des gamins décoiffés et se battent avec les ronces aux épines agressives. Parmi les herbes hautes et humides, on voit le plantain et la mousse venir couvrir ce qu’il reste de gazon. Les herbes échevelées ont poussé jusque sur le chemin et, aux pieds des bouleaux et des noisetiers, elles se mêlent aux orties et au chiendent. Au fond du jardin, entourée d’une haie courte de fusains panachés, étouffée en ce moment par les ronces, se trouve le trésor de Marguerite. Longtemps, les visiteurs venaient ici nombreux pour admirer ce jardin, le ‘’fameux jardin de Marguerite’’ comme on disait dans le pays. Derrière les fusains, au bout de l’allée qui serpente entre les buis, Marguerite a mis tout son cœur. D’abord une pergola, autour d’une petite allée bien droite, recouverte de rosiers grimpants aux teintes subtilement dégradées, entre rose pâle et rouge sombre. A droite et à gauche, des massifs, des corbeilles et des plates bandes, tous plantés de roses, de variétés les plus diverses. Au fond, une tonnelle, d’habitude couverte d’églantiers, sous laquelle, l’été, Marguerite reçoit ses visiteurs. Sur les espaliers latéraux, enfin, des rosiers grimpants, plus beaux les uns que les autres. C’est une formidable roseraie que Marguerite a installé dans le jardin de la ferme. Chaque année, depuis soixante ans, Marguerite plante, taille, bouture, émousse, transplante, bine, sarcle, paille, traite, arrose, greffe. Une belle roseraie le ‘’fameux jardin de Marguerite’’. Enfin, c’était une belle roseraie ! Car il y a deux ans, l’épaule cassée après une chute de l’escabeau, à cause d’un vertige avait dit l’hôpital, Marguerite a dû se résigner à laisser son beau jardin et ses belles roses sans soins, envahis par les herbes hautes et les ronces, le lierre et le chiendent, les pucerons, les limaçes et les araignées. Et Marguerite déteste les araignées. Les roses aussi les déteste, d’ailleurs ! (...) "

4. Le samedi 3 mai 2008 à 09:42, par pierre (la suite)

plus loin dans cette histoire de jardin :

" (...) Et le travail commence. Marguerite taille à coups de ciseaux, désherbe à belles poignées de main - elle a encore une sacrée poigne, ma Marguerite - Elle bine la terre aux pieds des tiges avec la cuillère en bois, ramène du fumier à pleins bras pour pailler le sol. Sur l’heure de midi, les massifs de rosiers sont beaux comme jamais. On reconnaît des centfeuilles rouges et blancs, des rosiers capucines avec des variétés jaunes ou même bicolores. Puis c’est le tour de la pergola aux teintes roses et rouges, débarrassée de tout le lierre qui l’étouffait. Vers deux heures de l’après midi, la tonnelle est dégagée elle aussi, les rosiers hybrides d’églantiers montrent leurs belles couleurs. On retrouve alors les nuances colorées de toute la roseraie qui renaît sous les doigts de Marguerite. Ici, le blanc nacré, le rose pâle, le jaune vif ou le rouge odorant de la ‘’Gloire de Dijon’’ ; là, les fleurs larges et blanches des rosiers grimpants sur les palissades ; là encore des roses en petits boutons dorés, des rosiers sauvages aux teintes saumons, de grandes roses rouge carmin qui, en se penchant, semblent saluer leur maîtresse. Mais Marguerite ne se laisse pas attendrir par l’allure retrouvée de la roseraie. A quatre heures et demi, les allées sont désherbées. A cinq heures, elle s’attaque à la taille des bosquets de buis, avec sa grande paire de ciseaux qu’elle tient à deux mains pour se donner plus de force. Elle ne s’arrête pas, ne mange pas, a bu juste une tasse de café quand la fatigue s’est fait sentir vers les trois heures de l’après-midi. D’habitude, c’est l’heure de la sieste, que nous faisons, chacun dans notre fauteuil, sous la tonnelle fleurie en été, près du poêle à bois dans la cuisine à l’automne et en hiver. A six heures, les thuyas sont passés chez le coiffeur pour un rafraîchissement de printemps. Rien ne vaut la taille de mars ! (...) " G. Lecoq

5. Le samedi 3 mai 2008 à 10:43, par han solo

Il fut un temps où les ventes jardinières devinrent obscures et troubles. Les fleurs embaumant le jardin se confondirent avec l'engrais desdites fleurs embaumant le jardin, et le tout avec les produits empêchant les insectes de dévorer ces fleurs.

6. Le samedi 3 mai 2008 à 11:48, par Pimprenelle (garantie sans OGM)

Pimprenelle prenant l'almanach en marche (comme à son habitude) définit son jardin comme une douce vallée, "un petit val qui mousse de rayon" comme dirait l'autre ! il y a quelques lianes en friches autour d'une source vive où la tête d'un certain garçon berce "dans le frais cresson bleu". Et s'il a deux trous rouges au côté droit, c'est juste le tatouage avec le nom de Pimprenelle gravée à l'encre mauve. Dans son petit jardin, mille explosions de joie, bousculée de sensualité, éveille Pimprenelle à la vie éternelle....

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