Eve, qui remuait tout dans l'imprimerie, y trouva la collection des figures nécessaires à l'impression d'un almanach dit des Bergers, où les choses sont représentées par des signes, par des images, des gravures en rouge, en noir ou en bleu. Le vieux Séchard, qui ne savait ni lire ni écrire, avait jadis gagné beaucoup d'argent à imprimer ce livre destiné à ceux qui ne savent pas lire. Cet almanach, qui se vend un sou, consiste en une feuille pliée soixante quatre fois, ce qui constitue un in-64 de cent vingt-huit pages. Le papier de l'Almanach des Bergers, dont plusieurs millions d'exemplaires se vendent annuellement en France, est plus grossier que celui de l'Almanach Liégeois et coûte environ quatre francs la rame.

Le café, qui se distribuoit autrefois dans une cafetière, est aujourd’hui présenté dans une fontaine élégante, entourée des tasses, et perchée sur un double guéridon qui occupe le centre du salon. L’Amphitryon lui-même, ou l’un de ses affidés, remplissent les tasses après qu’elles ont été sucrées à discrétion par chaque convive, qui va ensuite humer et prendre son café dans un coin du salon. Nous observerons que l’usage veut qu’il le boive dans la tasse même, et que, telle brûlante que soit cette liqueur, il ne lui est pas permis de la verser dans la soucoupe. Ce seroit manque de savoir vivre.

Bruissements de cartes postales
je t’aime dit-il à une fille au dos d’une carte représentant un Christ sanguinolent, un autre entre les lignes écrites il y a cinquante ans pour dire les plaisirs des bains de mer évoque l’odeur de crème solaire de la plage aujourd’hui, je hais les cartes postales dit-elle, toute son enfance ses parents la forçait à envoyer des cartes, papier glacé, papier glacé, et moi j’envoie des cartes à mon placard, au dos d’une icône représentant saint Pierre, je suis à la mer, il fait chaud, bon anniversaire Honoré, et sur une vieille photo de Lyon une recette du gratin dauphinois envoyée à ma cousine, grottes splendides, à visiter, “moi, ça va”, cette carte avec la statue de saint Exupéry dessus, je me la suis adressée à moi-même, mon séjour s’achève, une semaine c’est un peu court pour faire le tour de cette ville magnifique, je ne sais pas trop quoi écrire, ni à qui, je suis arrivée à Lyon en très bonne forme, j’ai repris mes cours ce matin, je t’envoie cette vue sinistre du paysage que j’ai sous les yeux tous les jours pour m’en débarasser, doux baisers, bonne guérison mon lapin, je t’envoie une carte de Noël, ce n’est pas Noël, emerveillant, est-ce que ça se dit en français ? la Tour Eiffel déjà timbrée, je te remercie pour tes souhaits de fête qui m’ont fait bien plaisir, et moi j’ai été vendeur de cartes postales, les gens ne les remettent jamais à l’endroit où ils les ont prises, une carte qui reprend une vieille publicité pour des bonbons démodés, je pense amicalement à toi en ce début d’année, j’ai envoyé celle-ci à ma prof au Canada, voyez-vous ce tout petit bonhomme sur l’image? rassure-toi, Maman, je vais bien, je n’ai pas assez de place pour te dire tout ce que je veux te dire, rien n’est clair, tout est trouble, non, j’ai écrit rien n’éclaire, je voulais sauver cette image, laisser le vide opérer, le chemin de la vie est par moments sinueux, la petite fille blonde au pied de l’escalier c’est moi, vous me reconnaissez ? hier j’ai reçu un mot de Louise, temps magnifique, affectueux baisers, tout va bien ici, sommes heureuses d’être ensemble, du Dauphiné sympathique souvenir, je me méfie des belles histoires, et la carte qu’on te force à envoyer tantôt à l’un tantôt à l’autre des parents séparés, tu t’asseois sur une chaise, tu ne bouges plus, le temps est merveilleux, les Italiens sont sympa, nous aurions dû nous donner rendez-vous ici où le paysage est superbe, salut les princesses, vive les nouvelles technologies, oui ce sont de vrais pas dans la neige, écris-moi! et bien le bonjour à votre intéressante famille

Fremok

En mai,
Fleurit le hêtre et chante le geai