Le jour de la saint Martin commence l'hiver ; c'est le jour où l'ours entre en hibernation, jour aussi de grandes beuveries - oie grasse et vin nouveau...
En ALLEMAGNE, en FLANDRES des quêtes sont organisées à la tombée de la nuit avec des lanternes taillées dans des potirons ou des betteraves.
A LUCERNE, on tranche à l'aveugle le cou de l'oie. Chaque concurrent doit porter un masque aveugle en forme de soleil et se vêtir d'un ample manteau rouge.
Dans les provinces de LIÈGE et de LUXEMBOURG, l'os de l'oie de Saint-Martin a don de prophétie. S'il est très-rouge, l'hiver sera froid, s'il est blanc, l'hiver sera doux.
Il faut craindre ce jour les carrefours, car il s'y passe des choses extraordinaires: on risque d'y apercevoir les loups-garous, les chasseurs sauvages, le kruisvos ou renard porte-croix, et même l'Avenir en personne.

Tout le monde connaît l'histoire du manteau partagé de saint Martin. Arrêtons nous plutôt à celle du manteau de Giordano Bruno.
Peu avant de tomber aux mains de l'Inquisition, le savant Giordano Bruno qui défendait la pluralité des soleils, s'était commandé un manteau. C'était à Venise, le manteau valait une belle somme - 32 skudi - et la femme du tailleur qui l'avait cousu, apprenant l'arrestation de ce client avant qu'il n'ait payé, entra dans une grande colère. Malgré la terreur que lui causait l'idée d'avoir affaire à un hérétique, elle entreprit des démarches auprès du tribunal du Saint-Office afin de récupérer ce qui était dû à son mari. Elle fut d'abord écoutée d'une oreille distraite, mais elle insistait tellement qu'on lui ménagea une entrevue avec le savant homme. Derrière les barreaux, elle ne reconnut pas d'abord celui qu'elle avait croisé du temps des essayages, il était pâle et amaigri. Cependant il lui parut aimable, lui présenta ses excuses et dit qu'il ferait le nécessaire pour s'acquitter de sa dette. Lorsque, l'argent n'arrivant pas, la vieille femme se présenta à nouveau, le prisonnier toujours attentif lui expliqua qu'il comptait sur une somme que lui devait un imprimeur de Francfort mais que les démarches étaient malaisées dans sa position. - Pourquoi vous fallait-il un manteau, si vous ne pouvez pas le payer? - Je croyais, quand je l'ai commandé avoir encore l'occasion de me promener dehors, répondit Bruno. Le prisonnier reçut plusieurs fois la créancière envisageant avec la meilleure volonté diverses solutions qui ne menèrent à rien. Giordano Bruno, fatigué par les nombreux interrogatoires, avait parfois du mal à répondre mais il continuait d'écouter la mégère, comprenant sa plainte. Lors de leur dernière entrevue, alors qu'il attendait une visite du procureur de la République qui devait décider de son sort, il lui proposa d'une voix si faible qu'elle eut du mal à entendre, de lui faire rendre le manteau. - Nous n'en tireront rien. Il est trop petit et n'ira à personne. - Je n'y avais pas pensé, approuva le prisonnier d'un air accablé. Il promit de faire encore son possible. En janvier il quitta Venise pour la prison romaine où il attendrait son exécution. Sur sa demande écrite, le manteau fut rapporté au tailleur. Bruno en aurait pourtant eu besoin: l'extradition avait lieu en janvier.

Collections d'hiver

Le vent d'hiver souffle.
Les yeux des chats
Clignotent.