Almanach

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1. Le vendredi 18 avril 2008 à 23:45, par Fantômette, la toute rescapée

Fantômette est arrivée à New York le 18 avril vers 21h30, sous une pluie battante et glacée. Le Carpathia fait d’abord halte devant le quai de la White Star line pour y débarquer les treize canots de sauvetage du Titanic. C’est une idée du capitaine Roston, qui pense à tout, pour anticiper dit-il, tout acte de fétichisme douteux et rendre à la White Star, c’est la loi, ce qui lui appartient. Le Carpathia manœuvre ensuite pour s’amarrer au quai 54 de la compagnie Cunnard line, propriétaire du Titanic. Il est 22h00. Une foule immense attend. Les noms des survivants ont été transmis par radio. Depuis le pont du Carpathia, des projecteurs fouillent la houle obscure des badauds afin que les rescapés puissent y distinguer d'éventuelles connaissances, y reconnaître des amis. Il y a des marchands de confiserie, des vendeurs de journaux à la criée, quelques baraquements où l’on propose du vin chaud et des strudels. C’est la foire. A contre-jour, les éclairs de magnésium des photographes font étinceler le rideau de pluie et finissent à donner au débarquement une allure d'outre-tombe. Certains à peine descendus sur le quai sont tout de suite isolés de la foule par des barrières, entourés par leurs proches, enveloppés dans des couvertures en fourrure par des domestiques, protégés des journalistes et des questions curieuses par des policiers menaçants, menés en convoi de limousines noires, stores baissés, jusqu’à la gare de Grand Central où des trains privés les attendent, les emportent dans la nuit pluvieuse vers leurs manoirs du Maine ou du Vermont. D’autres, la plus part, se faufilent, fondent leur anonymat de pauvres dans la cohue, disparaissent, trop contents d’échapper aux contrôles de l’immigration, engloutis par l’immensité de l’Amérique. Les 212 membres d’équipage du Titanic qui en comptait 885, dont Carl Jessop, charmant steward dont Fantômette avait remarqué les beaux cheveux auburn, sont pris en charge par des employés de la White Star qui les regroupent et les distinguent par fonction hiérarchique sous une immense toile de tente en forme de pyramide tronquée qui a tout l’air d’un chapiteau de cirque.
Fantômette est jeune, grande, rousse, et elle parle anglais. Tout de suite les reporters la repèrent, font cercle autour d’elle, et elle leur accorde bien volontiers des interviews sensationnelles.
Le lendemain matin, 19 avril 1912, le récit et la photo de Fantômette sont à la une d’une édition spéciale du New York Sun. Preuve qu’elle était, qu’elle y était vraiment, sinon comment expliquer qu’elle s'en souvienne?

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