Laissons aujourd'hui la plage au poète Tristan Corbière
dont nous fêtons l'anniversaire.

Il vécut à Morlaix, Paris, Roscoff. Toute sa vie il eut mal partout. Il dessinait, il écrivait des poèmes, des satires, des farces, il en faisait aussi. Il aimait les rencontres, les femmes, les marins, l'été, la mer - c'est le Melville du Finistère. Aucune écriture n'est traversée comme la sienne par les bourrasques qui viennent du Large. Il faisait peur aux Roscovites qui l'appelaient "An Ankou" tellement il était pâle et maigre. Au printemps 1869, en costume d'évêque, il bénit de son balcon la population locale scandalisée. Il est mort à trente ans. Son oeuvre tient dans une poche.

Il avait rédigé lui-même son épitaphe:
Il ne naquit par aucun bout,
Fut toujours poussé vent-de-bout,
Et fut un arlequin-ragoût,
Mélange adultère de tout...
Acteur, il ne sut pas son rôle ;
Peintre: il jouait de la musette ;
Et musicien : de la palette...
Coloriste enragé, - mais blême ;
Incompris... - surtout de lui-même ;
Il pleura, chanta juste faux ; -
et fut un défaut sans défauts.

Corbière se sert du mot Almanach, dans une Elégie à la mémoire des douaniers gardes-côtes mis à la retraite...
Quoi, l'on te fend l'oreille ! est-il vrai qu'on te rogne, Douanier ?...Tu vas mourir et pourrir sans façon, Gablou ?...- Non, car je vais t'empailler - Qui qu'en grogne! -...et te coller ici, boucané de mes rimes, Comme les varechs secs des herbiers maritimes....Tout se trouvait en toi, bonne femme cynique... - Tout: sorcier, sage-femme et briquet phosphorique, Rose-des-vents, sacré gui, lierre bacchique, Thermomètre à l'alcool, coucou droit à musique, Oracle, écho, docteur, almanach, empirique, Curé voltairien, huître politique...


...Là, c'est la Baie-des-Trépassés où, des profondeurs, reviennent les os des naufragés frapper aux portes des cabanes pour quêter un linceul ; et le Raz-de-Sein, couturé de courants que jamais homme n'a passé sans peur ou mal. Là naissent et meurent des êtres couleur de roc, patients comme des éternels, rendant par hoquets une langue pauvre, presque éteinte, qui ne sait rire ni pleurer...
C'est là que j'invente un casino.
CASINO DES TRÉPASSÉS
(Station d'hivernage)
A la bonne descente des décourageux