H-D T

Savez-vous qui s'en vint jusqu'à ma cabane ce matin...un bûcheron et fabricant de poteaux, capable de percer cinquante poteaux en un jour, qui a fait son repas, tout récemment, d'une marmotte attrapée par son chien. Lui aussi a entendu parler d'Homère, et si ce n'étaient les livres, "ne saurait pas quoi faire les jours de pluie"...Sa gaîté était pure ...et il m'accueillait avec un éclat de rire de satisfaction incroyable, et un salut en français canadien...Ses seuls livres étaient un almanach et un livre d'arithmétique, en quoi il était très expert. Le premier était pour lui une sorte d'encyclopédie, qu'il imaginait contenir un abrégé des connaissances humaines.

Ce jeudi de commençant juillet, mon savant ami le maître Martial Canterel m'avait convié, avec quelques autres de ses intimes, à visiter l'immense parc environnant sa belle villa de Montmorency. Locus Solus - la propriété se nomme ainsi - est une calme retraite où Canterel aime poursuivre en toute tranquillité d'esprit ses multiples et féconds travaux. En ce lieu solitaire il est suffisamment à l'abri des agitations de Paris - et peut cependant gagner la capitale en un quart d'heure quand ses recherches nécessitent quelque station dans telle bibliothèque spéciale ou quand arrive l'instant de faire au monde scientifique, dans une conférence, prodigieusement courue, telle communication sensationnelle.

Un jardin régulier et comme sans végétaux (seulement des pelouses plates rectangulaires, des arbustes taillés aux formes parfaitement géométriques, de très larges allées de gravier, des escaliers de pierre, des terrasses à balustrade de pierre) avec ça et là des statues de grande taille montées sur des socles carrés assez hauts ; rois et reines en costumes anciens, personnages mythologiques, allures pompeuses, gestes interrompus, poses qui semblent avoir une signification précise mais dont la signification échappe ; il y a aussi des socles sans statues, avec un nom de sujet gravé sur le socle.
Tout le paysage est vide, sans un personnage vivant. Long déplacement latéral de la caméra, rectiligne et lent, perspectives d'allées, de cônes alignés, de haies taillées au cordeau etc.

Je ne me lasse pas de me promener au Parc de la Villette. C'est à Paris le jardin que je préfère. Il offre sur le plan architectural de multiples parcours : il se traverse par ses grands axes tracés par une vague du nord au sud ou par le fil de l'eau suivant le canal de l'Ourcq d'est en ouest. Des passerelles permettent des promenades au-dessus du jardin ou plongent vers les jardins thématiques du parc. Chacun de ces jardins thématiques dessine un autre itinéraire, révèle une autre histoire : il y a le jardin de bambous, le jardin des frayeurs enfantines, le jardin de la treille, le jardin des équilibres, le jardin des îles, le jardin des miroirs, le jardin des dunes, le jardin des voltiges, le jardin du dragon... A la surface, les grands axes et les jardins thématiques sont reliés par des chemins de traverse, des raccourcis, des impasses, des contretemps... Ça circule. Comme cette Folie dont l'escalier mène vers le ciel et dévoile une autre perspective.

Goudurix

Rosée matutine
Pluie serotine