Au début de juillet, par un temps extraordinairement chaud, sur le soir, un jeune homme sortit de la chambrette qu'il occupait en sous-location dans la rue S... Il gagna la rue, et lentement, comme indécis, se dirigea vers le pont K...

Encore l'étonnante girafe
Le 9 juillet 1827 la girafe de Charles X, après un long périple évoqué dans cet almanach aux dates du 16 janvier (commentaire de Fantômette) et du 6 juin derniers arrive enfin à Paris ; elle rend d'abord visite, en sa demeure de Saint-Cloud, au monarque qui l’accueille avec, à la main, quelques pétales de rose, marche à ses côtés et demande à la voir courir. Après cet exercice mondain la girafe gagne son nouveau domicile du Jardin des Plantes où elle demeurera 18 ans. La girafe fait un tabac: 600 000 visites en une seule année! Pour elle on a spécialement aménagé la rotonde du Jardin, chauffée et capitonnée de paillassons ; l'animal partage cette habitation avec Atir, son soigneur attitré, qui logea pendant douze ans sur un balcon suspendu à l’intérieur de cette rotonde à hauteur de tête de sa belle.
Porcelaines, tissus, objets de décoration, instrument de musique, gravures, la girafe fait aussi une entrée fracassante dans le monde alors neuf des marchandises dérivées ; son pelage donne le ton des couleurs à la mode et les femmes de la bonne société se font coiffer "à la girafe". La Belle enfant des Tropiques meurt en 1845, âgée de vingt et un ans, l'année où Henri David Thoreau, âgé de vingt-huit ans (voir Almanach du 4 juillet dernier) s'installait dans sa retraite de Walden. On l'empailla, on l'égara, on l'oublia. On crut la voir à Verdun pendant la Guerre de 14 . Elle est réapparue depuis peu au musée de la Rochelle sous le nom de Giraffa camelopardalis du Soudan. La place que nous lui avons faite dans cet almanach ne tient pas tant à un goût prononcé de la "curiosité" qu'au désir de nous pencher un petit moment sur la grâce de cet animal infiniment étonnant, rapide et lent dans sa gestuelle, brun et jaune, long et court, cette merveille de la nature qu'est la girafe.

Renaître de ses cendres
Le 1er février dernier, à 5 heures du matin, le premier étage de la maison Deyrolle, rue du Bac, à Paris, a brûlé. Court-circuit, étincelle, c'était la deuxième mort d'un monde de papillons et d’insectes, d' animaux naturalisés qui dataient pour partie de l'époque de la girafe de Charles X. 55 sapeurs pompiers, 14 engins, furent mobilisés pour éteindre les flammes. On voit sur les photos un élan et un lama empaillés regarder par la fenêtre comme s'ils attendaient qu'on les délivre. Jean-Baptiste Deyrolle fonda en 1831, du vivant de la girafe, cette maison cousine de la ménagerie du jardin des Plantes, reprise ensuite par son fils, Achille. Nous sommes nombreux, même sans avoir été promenés dès l'enfance en ces lieux parisiens, a avoir croisé, sous la forme d'une collection de papillons dans le grenier d'un vieil oncle, du décor d'un restaurant forestier, ou chez un habile taxidermiste de village, ce monde des momies d'aujourd'hui, ancêtre de la chirurgie esthétique, qui nous a donné à méditer.

Accoucher d'une girafe

Brune matinée, belle journée