L'Almanach de Gotha fut, entre 1763 et 1944, le guide de référence de la noblesse et des familles royales européennes. Il apparaît pour la première fois à la cour de Frédéric III, duc de Saxe-Gotha. Quoique publié en Allemagne, cet almanach fut continûment rédigé en français. L'objectif de l'Almanach était de lister les maisons régnantes d'Europe, et leurs branches cadettes, ainsi que la plupart des familles nobles, le corps diplomatique, et les hauts fonctionnaires. Il faut savoir que les maisons régnantes en Allemagne et en Italie se comptaient par centaines, et leurs branches cadettes par milliers pour apprécier le défi majeur que le Gotha s'était fixé.
Le Gotha fut très vite un succès ; y être inclus devint une nécessité vitale pour une famille noble et après 1914 et la chute de beaucoup de familles régnantes, le guide devint essentiel pour départager les faux titres des vrais. Une famille titrée de haut rang non listée dans le Gotha était suspectée de s’être auto-promue et pouvait craindre pour la considération qu’on allait lui porter.

Commémoration différée pour cause d'accident ferroviaire
Le 25 juin 1912, l’aviateur Hubert Latham trouvait la mort dans la brousse centrafricaine. Il ne se crasha pas en avion, puisqu'à l’époque le mot n’existait pas ; il avait du reste renoncé depuis quelque temps aux plaisirs du ciel, renouant avec sa passion des expéditions terrestres et des chasses en Afrique. Il chassait cette fois-là le buffle au Congo. Les conditions de sa mort sont aussi obscures que dans un roman de Joseph Conrad. Le rapport officiel déclare que la mort prit pour lui l'apparence du buffle qu'il chassait. Il se peut aussi que Latham ait été assassiné par des indigènes agacés par ce Blanc, ou qu’il ait retourné son fusil contre lui-même. Latham avait 29 ans, il commençait à se sentir vieux. Il avait exploré avidement les plaisirs de ce monde et l’aviation, dont il avait été un des pionniers en tentant une traversée de la Manche trois jours avant l'exploit de Blériot, perdait à ses yeux l’attrait de l’inédit et ne l’amusait plus. Latham fut un parfait gentleman. Il fait partie de ces silhouettes qui ne s'effacent jamais. Vous le reconnaîtrez à son flegme, son sourire un peu railleur, son élégance, et son éternelle cigarette.

L'absinthe est un mot du XIXème siècle finissant, une couleur jaune un peu verte, vert jaune, qui emplit les verres des buveurs des tableaux de Degas, Manet, Van Gogh... L'absinthe était une boisson dangereuse, interdite aujourd'hui comme le sont les drogues. On dit qu'elle rendait fou. ABsainte, ABsente, le mot voisine avec les thèmes de cette poésie dont elle a dangereusement servi l'expression. On l'appella aussi « fée verte » - Artemisia absinthium. Dans le café de Degas la buveuse d'absinthe n'a plus l'allure provocatrice des buveuses de Rembrandt. Elle est réservée au contraire, baisse les yeux, murée derrière un agencement de tables blanches. Elle est élégante, avec un chapeau haut de la forme bizarre qu'ont souvent les coiffures des femmes dans les peintures de Degas, des boucles d'oreilles discrètes, des rubans aux souliers. Dans le verre en forme de demi-globe la boisson vénéneuse qui prolonge son regard en ligne droite a la couleur de son corsage et de sa peau. Elle est seule, absorbée, perdue. Pourtant à côté d'elle il y a un homme, avec un vrai corps et un verre ; à ce verre il n'est pas rivé, son regard se porte ailleurs.

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Le jour de la Saint-Prosper, n'oublie pas de fumer la terre.